Il y avait des jours durant ma toute jeune enfance où je ne m'attendais pas aux surprises, bonnes , mauvaises ou effrayantes , qui pouvaient s'abattre sur moi .
Un matin pendant la période des vacances scolaires, je sortis comme d'habitude sans prévenir quiconque .
Autrement dit, personne, autre que moi, ne savait où je pouvais me trouver .
Aujourd'hui, bien évidemment, je m'aperçois que c'était de l'inconscience .
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Donc ce matin là, je longeais le mur qui menait au bidonville puis au commissariat et au dispensaire .
A ce niveau, une belle blonde arriva en face de moi, elle n'était vêtu que d'un bikini, ce qui à l'époque n'était pas chose banale.
Mais en plus elle se promenait avec un poignard, dans un etui sanglé sur sa cuisse droite . Cela me laissa médusé et à la fois me glaça le sang .
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En principe dès qu'une journée débute ainsi, toute personne se dirait : " je rentre car cela n'est pas de bonne augure "
Mais évidemment, moi j'allais toujours de l'avant .
Je repris ma route, passai devant le dispensaire et arpentai les petites ruelles que je connaissais parfaitement .
J'en vis une que je n'avais jamais parcouru .
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Après une bonne demi-heure de marche, je distinguai sur le trottoir un petit meuble qui s'avéra être un billot de boucher et comme j'adorais créer des situations , je me mis dans la peau d'un boucher .
Je m'installai derrière le billot et fit semblant de découper et de trancher des morceaux de viande .
Jusqu'au moment où, me prenant au jeu, je me saisis du hachoir .
A cet instant une main m'agrippa violemment le poignet et me tira au milieu de la ruelle puis je vis un homme hurlant sur moi en me traitant de voleur et voulant me couper la main.
J'avais beau lui dire que je ne voulais pas le voler, que je jouais, il continuait à me menacer .
Ses cris avaient attiré la foule qui formait un cercle autour de nous .
Les gens le conspuaient lui disant qu'il n'avait pas le droit, qu'il devait me lâcher . Mais je sentais qu'il allait mettre ses menaces à exécution et j'ai crié :
" je vais le dire à mon père , Michelé Pace "
A ce nom je vis qu'il savait de qui je parlais car il m'a immédiatement lâché et de fou furieux, il paraissait à présent craintif .
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Ce fou voulait réellement me couper la main, je n'ai jamais eu aussi peur que ce jour là, je me voyais déjà amputé .
Je m'éloignais tout en regardant derrière moi et je constatais que lui aussi ne me lâchait pas du regard .
Les gens autour continuaient à s'en prendre à lui, mais focalisé sur moi il ne les écoutait plus .
Allais je vraiment le dire à mon père, je pense que cet homme le connaissait très bien et je sentais l'inquiètude dans son regard, comme s'il me priait de ne rien rapporter .
Ce que je fis, je ne contai cette histoire à personne.
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Après cette horrible mésaventure, continuant ma route je suis arrivé sur un gigantesque terrain vague .
Au loin j'aperçus une énorme bâtisse un peu délabrée et me rendis compte qu'il y avait de l'agitation autour d'un grand véhicule noir .
Ma curiosité étant plus forte que la prudence, je décidai de me rapprocher le plus vite possible pour voir ce qu'il se passait .
Mais ce véhicule n'était en fait qu'un fourgon de carabiniers .
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Ceux çi emmenaient des hommes que leurs femmes retenaient pour empêcher leurs arrestations et les enfants s'agrippaient aux robes de leurs mères .
Les carabiniers poussaient les femmes et les enfants qui faisaient de la résistance .
C'était un spectacle surréaliste !!
Finalement les forces de l'ordre ont fait ce pourquoi elles étaient venues .
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Lors de mes pérégrinations, j'ai vu la richesse des uns et la misère des autres . Les enfants sales et dépenaillés traînant dans les rues .
Aujourd'hui tout a changé à Palerme . Même l'endroit où j'habitais n'existe plus .
C'est vrai qu'il fallait faire disparaitre les bidonvilles et les quartiers sordides mais il ne fallait pas mettre les reconstructions dans n'importe quelles mains, des mafieux
qui ont bâti sans respecter les normes de sécurité .
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Bref, le Palerme d'aujourd'hui n'est plus le Palerme de mon enfance .